Ce sont les histoires de ma grand mère, celle que je n'ai jamais entendu, ou que j'ai oublié, celles qui se sont répétées et se repètent encore, c'est celles là que j'aime à me remémorer. Ma grand mère était l'épouse d'un vieux sage, un homme quivait visité le monde entier, connu en Turquie sous le nom de nasru din hojja, en perse sous le nom de mevlana nasreddine et au maghreb sous le nom de Djoha. Ma grand mère avait aussi deux autres prénoms dont je n'ai jamais su exactement lequel était le sien en propre, sarah ou hajar. Non pas qu'elle fut l'épouse d'un prophéte, c'est excessif même eu égard à l'orgueil particulier qui s'attache au caractère des ouazzanis, mais elle se prétendait tantôt l'une tantôt l'autre c'est pourquoi on l'a surnommée lalla zwawa. quant à joha, il n'avait rien d'un prohéte lui non plus, c'était un grand père tantôt charmeur tantôt lassant toujours excessif jamais sérieux, on disait de lui qu'il avait sept vies comme un chat, d'autres disaient qu'il avait sept visages, les plus sérieux savaient qu'il n'accordait de valeur qu'à trés peu de choses et qu'il avait longtemps été un soutien de famille.
C'est un héritage qui tient la route expliquait-il quand on lui parlait de notre grand mère. une sagesse incomprise, inespérée, inattendue perçait occasionnellement dans ses yeux, rappel d'un temps lointain où il vivait de l'errance et du vagabondage, passant nuit et jour à parcourir le monde, à interviewer les puissants, soutenir les faibles et faire et défaire les nations. mon royaume disait-il est un trou perdu dans une rivière, un aleph, un nom comme un autre quand bien même il s'agit aussi de la première lettre de l'alhpabet.
un grand savant a toujours une histoire d'avance de même qu'un adulte a toujours au moins une nuit d'avance sur un plus jeune que lui. Un jour que mon grand père se promenait au marché, un seigneur de village tenait sa cour et rassemblait autour de lui les savants du pays. il les menaçait, les exhoratait, les invectivait. à ses côté un âne. L'objet de l'exhortation: l'âne devait étudier. les savants parmi lesquels des docteurs d'université des boudha presque vivants, boddhitsava me dit-on, des grands imam rabbins et prêtres, des gens de tout savoir venus du monde entier, étaient révoltés. l'insanité du seigneur dépassait leur patience. le probléme est que la cour était aussi encerclée par quelques soldats bien mis et lourdement armés, ce qui rendait les menaces du seigneurs rien moins que sujettes à caution.
Quand tout d'un coup, l'un des penseurs éclairé par une lumineuse idée, franchit l'obstacle qui le séparait de la rue et croisa mon grand père. c'est là que commence la plus grande histoire du savoir et de la pensée que je n'ai jamais connue, cette histoire, c'est lalla zwawa qui dorénavant la racontera, elle l'a racontée à des millions de petits dans le monde entier. à tous ceux qui passent devant sa tombe je rappelle qu'elle fut dépositaire du plus grand secret de l'histoire de ouazzane, le pourquoi et le comment de l'âne qui eleva autour de la ville de ouazzane les arches de la pensée, sans lesquelles, nul penseur de l'andalousie ou de métropole n'aurait put rêver le monde tel qu'il est advenu.
Votre grand père, du temps qu’il était aubergiste à la campagne, voit arriver un jour une troupe brillante de chasseurs à cheval. C’est un grand seigneur et sa suite.
-Holà, aubergiste une collation ! Nous avons l’estomac vide. Il leur prépare aussitôt une omelette qu’ils mangent avec appétit.
-Combien te dois-je ? demande le seigneur au moment de repartir.
-Trente dinars, Excellence.
-Par Allah ! Trente dinars pour une omelette ! Les œufs sont donc bien rares par ici.
-Non, Excellence, ce ne sont pas les œufs qui sont rares par ici, ce sont les gens riches.
Le plan de la ville de ouazzane est ainsi fait qu'on y entre par autant de portes qu'il y a de rues. et il y a autant de rues qu'il y a de fenêtres. c'est une drôle de ville explique lalla zwawa, une ville étrange où les portes sont faites pour les piétons, où le piétons sont parfois attendus aux fenêtres et où ls réunions de famille se tiennent sur les toits ou dans les sous sols des vieilles batisses. Dans cette ville où les vivants sont parfois plus âgés que les morts, du moins ceux qui sont enterrés depuis longtemps, il n'y a gère de place pour les aventuriers, l'aventure tient table ouverte et les joyeux lurons sont cuits dans les melleures sauces.
si joha est connu un peu partout, c'est parce qu'il est le père, et la mère et le fils et la fille d'une multitude d'histoires. ce n'est pas comme si ton grand père n'avait qu'un seule histoire à raconter dit-elle en souriant. toutes les histoires que tu entends de par la ville sont un peu les siennes il a épousé les unes et les autres au jour le jour, divorcé parfois mais surtout connu pour sa fidélité.
De lalla zwawa on ne peut pas dire qu'elle n'avait pas de pudeur. Au contraire, même àagée elle continuait à se couvrir de la tête au pied et les rares fois où un cheveu échappait à sa durveikkance quasi maladive, elle le rattrappait avec dexterité, comme un oiseau jaillit d'une cage où il aurait du rester, un petit cheval ayant fui son enclos. Toutefois, elle avait l'art et le desordre de raconter jusques dans les détails les plus subtilement saugrenus, les moments les plus farfelus qu'elle avait passé avec son cher et tendre.
- lalla zwawa, dit votre grand père un matin raconte-t-elle. va voir dehors s’il pleut encore. Non, le temps est sec, répondis-je; sinon tu entendrais le bruit de la pluie sur le toit. Alors, lève-toi pour mettre une bûche dans le feu. Tu ne vois pas d’ici qu’il reste encore des braises dans la cheminée ? Je vois que tu n’as aucune envie de te lever. me dit il, un sourire sournois pendant sur ses lèvres. Puisque tu as réussi à faire deux tâches sans sortir du lit, dis-moi comment tu comptes t’acquitter de la troisième ? Laquelle , répondis-je ? Traire la chèvre qui se trouve dans la cabane, au bout du jardin.
Tout l'art de lalla zwawa nous dit-elle, en souriant malicieusement, est de faire faire à votre grand père les choses les unes aprés les autres dans l'ordre de leur inachévement, mais sans se fatiguer. Il a toujours été un grand paresseux.
On a accusé votre grand père de beaucoup de maux, nous racontait un jour lalla zwawa. je me souviens qu'on le soupçonnait d'être un astrologue réputé travaillant pour les plus hautes cours du ciel et de la terre. Lui, qu'un bucheron n'aurait osé employer comme aide, prétendait en permanence le contraire. Un jour il reçut la visite d'une fort jolie dame venu de trés loin, de France lui dit-elle avant qu'elle ne l'interroge. j'étais assise, ce jour là j'avais préparé des saucisses et des oeufs, nous avions mangé et bu, c'est alors qu'elle a pointé le bout de son nez, son chapeau blanc et sa longue robe noire et blanche. Votre grand père était un homme fort jaloux, mais il ne dédainait pas d'être charmeur à l'occasion, quant à moi, je m'intallais dans un coin de la pièce, ne perdant pas une miette e ce qui se disait et e mon regard le plus sévère, réprimandant jusqu'à la moindre essquisse de sourire. A ce jeu votre grand père était toujours gagnant, mais je le connaissais assez bien pour savoir que dans la parole, ce qu'il aimait avant tout c'était la parole. je me souviens de ce qui s'est raconté ce jour là mot pour mot, même si je ne sais plus trés bien où la conversation avait commencé.
"pourquoi faut-il faire mentir les astres disait-il ? à cette question, je commence par supposer une infinité de réponss, le champ des possibles étant l'infini illimité, la vêrité ne saurait contenue ni sur un plan ni sur l'autre. pour commencer le calcul selon la position des astres leur suppose par définition une position déterminée. les plans de l'espace sont indeterminés, toute position est relative, la relativité est à elle même sa propre certitude, elle a donc pour essence sa propre indetermination. Que reste-t-il de la position des astres dans un espace relatif ?
Ma chère dame; il est toujours possible de penser le rapport entre les astres et l'identité de vie humaine comme un fait non contingent. Mais supposer l'identité de la vie humaine comme une conséquence d'un dépacement de mobile n'est pas aussi une manière de faire fi de toute contingence en liant aux causes les effets et aux effets les causes?
Il y a un piège dans la géomancie, chère dame. C'est la limitation du potentiel de l'être à un schéma quelconque fut il celui du ciel et à une parole quelconque fut-elle celle de l'astrologue. la position des astre dit l'étendue de l'espace et la démesure du temps, l'humain est quantité et mesure, certes, mais n'est-il que cela? "
je dois dire ajoutait lalla zwawa que je ne comprenais pas tout ce qu'il isait, mais je buvais ses paroles comme on boit une orangeade ou un sirop d'orgeat. Chacun de ses mots était une petite lumière, je me contentais de cela, quand la chère dame semblait vouloir comprendre, je savourais l'instant. elle ne resta pas longtemps à la maison, quelques jours sans plus. Elle semblait prendre plaisir à ces discussions, et pendant ce temps les gen du village se demandaient quel destin votre grand père était en train de lui tracer entre les lignes de la main.
La misère du monde lui disait-il commence par l'ignorance, certes c'est ainsi que l'homme a été créé, mais ce ne sachant rien quand il ne cherche même plus à apprendre, qu'est-il si ce n'est un ventre affamé sans oreille et jamais rassasié? on peut vivre longtemps entouré d'ignare, ajoutait-til, l'essentiel étant de toujours les maintenir à l'écart, de ne se lier à eux qu'avec raison et pour le minimum d'interêt communs, et moins n a d'interêts commun avec eux mieux on se sent. c'est un peu comme des piqures de moustiques ou de guêpe, il faut les accepter parce que ces bêtes ont été crées pour cela, mais éviter 'aller trainer ans leur nid si possible, le plaisir n'étant pas nécessairement ou l'on se l'imagine, tout comme la souffrance.
votre grand père ne passait guère pour un romantique, dan la tribu. il avait l'art de tourner les compliments d'une telle sorte qu'on ne savait plus s'il fallait le remercier ou le fusiller. sur place et séance tenante. pourquoi je t'aime فاطمة me dit-il un jour , parce que tu portes le nom d'une fleur qu'il faut aimer, sous peine de n'être aimé ni sur terre ni au ciel. le reste de ce qui peut nous arriver est contingences de la vie, ma patience réponds à ta colère, ta colère ruine ma patience, tu sembles toujours à l'exact opposé de là ou je t'attends, je te trouve toujours à l'exact opposé des lieux où je t'attends. Mais t'aimer est une condamnation à vie sous peine de mort, et l'inverse aussi parfois. Ma propre histoire ajouta ma grand mère, je vous la raconterai peut être un jour, mais ce sera dans une autre histoire sous un autre visage et peut être dans une autre langue.
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